David


(Contribution au concert de Noël 2009 à la salle Opéra)

Haendel, grand comme le monde, disait Beethoven


David, fils cadet bien-aimé de Jessé, musicien, poète et berger, épousa la fille de Saul le Roi. À son tour, il devint roi prophète de Juda et d’Israël, territoires encore partagés, à la vacille, au siècle des siècles. Amant, David sut combler de mille plaisirs Bethsabée la gourmande. Père, il engendra Salomon le bâtisseur du Temple de Jérusalem. Poète, les plus beaux psaumes fleurirent en sa bouche pour orner les pages sensibles de la Bible. Guerrier intrépide, au fond de la vallée, il terrassa Goliath d’un tour de fronde. Ce que le David florentin de Michel Ange ne nous a jamais montré ce sont les trois grains de sable jetés à l’envol de sa fronde – le trio complice des notes, des paroles et des formes colorées. Elles virevoltent toujours dans notre histoire.


Regardez, écoutez puis comprenez ce que vous voulez !


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Une première fois, à l’Épiphanie, les trois rois mages, Melchior, Gaspard et Balthazar le bizarre, sortirent du confort de leur fromage pour rendre hommage aux vertus volages de cette humble trinité, les notes, les mots et les formes. Sages comme des images devant la crèche, notre triade offrit au nouveau-né tant attendu voyelles et consonnes, des si, un la et le do, sans oublier le rouge, le noir et un coup de blanc. Merveilleuse apparition dont nous fêtons en douceur les lumières à chaque Noël – l’or des lettres qui brillent en étoiles au firmament des phrases, l'encens des mélodies soyeuses de leurs harmonies rythmées, et la myrrhe des figures heureuses de faire face. Habile, notre trio joue au grain de sable et raye ce qui va trop bien de soi. Dérapages, chamboules et glissades assurées.


Voyez, caressez puis ressentez ce que vous pouvez !


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À la Noël, la plupart de ceux qui s’étaient rassemblés auprès du bœuf et de l’âne devant la crèche s’aperçurent bien vite, qu’en fait de message, la bonne nouvelle dormait en chaque d’entre eux. Et que le prétexte d’une couleur lumineuse ou le rythme d’une mélodie suffisait à éveiller leur humanité à ses bons mots. Ils s’en réjouirent. Car un sens nouveau était né, un fil nous était donné. À qui plein pouvoir de relier était conféré. Geste étrange, improbable, car les mots ont renoncé à tout exercice de la violence. Les couleurs nous illuminent de l’intérieur. Et les sons savourent leur bonheur d’être portées en notes claires. Notre trio se contente de rythme et de mélodie, de la beauté et de l’éloquence pour agir et nous convaincre, avec élégance, d’être bonshommes ou bonnes femmes !


Tendez l’oreille, touchez du doigt et laissez-vous saisir par ce que vous désirez !


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Nomades, les formes colorées, les notes et les bons mots partirent pour nous rejoindre là où nous en sommes. D’un tour de ronde, ils nous soufflent à l’oreille comment s’en sortir pour entrer dans nos histoires. Et suivre notre désir. Pourquoi faire juste un pas de côté et voir autrement. Quand avancer afin de ne pas se laisser surprendre. Prêter attention pour s’accorder au souffle de nos intentions. Sur la scène de l’Opéra d’une ville endormie tous se retrouvèrent un soir de décembre pour fêter cet avènement du bon goût et de l’intelligence. Ils rirent aux éclats d’être ensemble. Ils se levèrent, et dansèrent jusqu’au matin l’un tout contre l’autre, l’autre tout contre l’Un. Tout semblait si facile que leur bonheur réveilla la cité. Qui n’en crut pas ses yeux ! Et vint les rejoindre sur le plateau.


Ne vous laissez guère aller, faites ce que vous voulez et vous verrez !


Gagné par l’enthousiasme, le cœur des notes, des mots et des formes colorées se lâchât pour clamer tout alentour ses Béatitudes :

Heureux les mots puisqu’ils racontent nos histoires ;

Heureuses les notes car tout est à leur portée ;

Heureuses les formes et les couleurs quand elles illuminent le sombre de la nuit ;

Heureuses les frondes quand elles lancent les grains de sable du bon goût ;

Heureux les David puisqu’ils terrassent la bêtise et le non-sens ;

Heureux les ânes et les bœufs qui nous réchauffent par leur amitié ;

Heureux les salles d’opéra quand elles mettent en scène le plaisir de vivre, le bonheur d’exister ;

Heureux soit Noël puisqu’il fête ensemble la musique, les arts et lettres.


Maintenant que vous y avez goûté, plus jamais vous ne pourrez taire cette bonne nouvelle !  Allez … …