En retard


Sophie regarda sa montre. Elle indiquait moins deux. Trois minutes pour arriver à l’heure. Elle pressa le pas, ne voulant guère laisser plus d’un court instant entre le moment convenu et celui de son arrivée, laps de temps suffisant pour faire comprendre que son agenda était fort rempli, qu’elle devait jongler avec ses nombreuses obligations de femme contemporaine, forcément libérée, maîtresse d’elle-même, et, dans le détail, de sa vie. Plus elle avançait, plus elle sentait l’emprise de ses tensions intérieures. Son cœur se mit à battre plus fort, l’effort physique, mais aussi, et elle le redoutait, l’émotion. Pour la première fois, elle allait le rencontrer, après tant de conversations nocturnes sur Facebook. Elle devait absolument surveiller sa tenue. Elle avait pris soin à ce que son maquillage la restitue à sa matité de femme épanouie. Son allure devait respirer le détachement procuré par un bonheur épanoui dont elle voulait bien maintenant en partager les promesses. Elle préparait son entrée en scène, répétait sa phrase d’accueil qu’elle allait imposer pour bien monter que ce serait elle qui, désormais, mènerait équitablement leur relation. Tellement préoccupée d’elle-même, Sophie le croisa, mais ne le reconnut pas.