A la fin de chaque législature, le Conseil administratif remet les Prix Culture et Société de la Ville de Genève, anciennement nommés Prix de la Ville de Genève. Cette distinction, la plus importante que Genève attribue, est destinée à honorer des personnalités qui, par l'ensemble de leur œuvre ou de leur carrière, contribuent au rayonnement de la cité.

Emile Jaques-Dalcroze, Ernest Ansermet, Jean Piaget, Nicolas Bouvier, Alain Tanner, Ella Maillart, parmi d'autres, ont été lauréats des Prix créés en 1947. Le choix des lauréats est le fruit d'une proposition d'un jury spécialement constitué pour l’occasion. Pour cette édition, plusieurs nouveautés ont été apportées avec la création de deux nouveaux prix: arts appliqués et action culturelle. La Ville de Genève décerne, à titre exceptionnel en 2015, un Prix spécial montrant son soutien en faveur de la liberté d'expression. Enfin, un cycle de conférences donné par les lauréats sera proposé dans le courant de l'année.


Proclamation des lauréat-e-s 2015 aux Prix Culture et Société de la Ville de Genève


Le Conseil administratif ratifie le choix du jury pour la nomination des lauréat-e-s aux Prix Culture et Société de la Ville de Genève. Il remettra cette année exceptionnellement neuf prix, d’un montant de 20'000 francs chacun, lors d’une cérémonie ouverte au public qui se déroulera le jeudi 30 avril dès 19h au Grand Théâtre de Genève.


A la fin de chaque législature, le Conseil administratif attribue des prix à des personnalités qui, par l'ensemble de leur œuvre ou de leur carrière, ont contribué au rayonnement de la cité. Le choix des lauréats est le fruit d’une proposition d’un jury spécialement constitué pour l’occasion. Pour cette édition, plusieurs nouveautés ont été apportées avec entre autres la création de deux nouveaux prix: arts appliqués et action culturelle. La Ville de Genève décerne, à titre exceptionnel en 2015, un Prix spécial montrant son soutien en faveur de la liberté d’expression. Enfin, un cycle de conférences donné par les lauréats sera proposé dans le courant de l’année.


Pour l’Action culturelle, le lauréat du Prix Culture et Société est Jacques Boesch.


Jacques Boesch (1949) a œuvré tout au long de sa carrière, à Saint-Gervais, à la clinique de Belle-Idée puis aux Hôpitaux universitaires de Genève, pour développer une pratique d’action culturelle où la dimension relationnelle et l’interaction entre les auteurs, les œuvres et les publics sont placées au premier plan, avec une réflexion de fond quant au contexte sensible et particulier de l’hôpital. Il a aussi largement contribué au développement théorique de la présence de l’art et de la culture en milieu hospitalier et de la médiation culturelle en général. Il a effectué un important travail de recherche et d’édition portant sur l’histoire des hôpitaux et de l’Hôpital de Genève en particulier. Par là, il a non seulement rendu hommage à ces prédécesseurs, mais aussi ancré son travail dans une continuité, tout en élargissant une pratique en accord avec des réflexions nouvelles sur la place de l’art et de la culture à l’hôpital. Aujourd'hui, il se consacre entièrement à son travail d’écriture et d’éditeur aux Éditions du Scorpion bleu.


Hommage à Jacques Boesch par Zsuzsanna Szabo



Mesdames, Messieurs,

Au nom de la commission du prix « action culturelle », j’ai le plaisir de prononcer ces quelques mots afin de rendre hommage au travail de Jacques Boesch, dont le parcours a témoigné d’un engagement fort sur plus de quatre décennies, durant lesquelles il est intervenu dans des milieux sensibles et variés. Les Grottes et Saint-Gervais font partie des grandes étapes de ce long parcours, mais c’est en particulier son travail au sein des affaires culturelles des HUG auquel je souhaiterais rendre hommage ce soir.

« Jacques Boesch, pendant des années, et un peu à l’écart, puisque l’hôpital est situé un peu à la marge, s’est attaché à développer une culture de projet, de réseaux et de partenariats intégrés au quotidien… ». Ces quelques lignes proviennent d’une des nombreuses publications qui ont vu le jour aux affaires culturelles des HUG au temps de Jacques Boesch. Si elles ne résument pas l’ensemble de son action, elles ont le mérite de poser les principes auxquelles notre jury a été sensible.

D’une part, considérer l’hôpital, non pas comme un lieu où l’art et la culture seraient

simplement importés, mais comme un contexte où peut se développer un travail ancré dans le présent avec, et je le cite, « la considération portée à la dignité de chaque personne et, en particulier, à son désir d’advenir – l’attention portée à chacun, là où il en est, avec ses qualités et ses difficultés. ».

D’autre part, envisager l’hôpital comme un lieu de dialogue tourné vers la spécificité du milieu hospitalier, mais à la fois largement ouvert vers la Cité. Chargé des affaires culturelles sur le domaine de Belle-Idée dès 1998, puis responsable des affaires culturelles de l’ensemble des HUG dès 2001, Jacques Boesch a oeuvré à une meilleure compréhension et à une représentation plus juste de la santé et des maladies mentales en particulier.

En dernier lieu, la volonté d’instaurer un travail de réflexion de fond, mené en parallèle des actions quotidiennes, et qui a abouti à la production de nombreuses publications rédigées avec ses collaborateurs. Des publications réalisées dans un esprit de modestie, mais qui s’ancrent dans une continuité théorique et qui proposent des repères pour les générations futures d’acteurs culturels, sensibles aux dimensions relationnelles que peuvent faire émerger l’art et la culture.

Le prix d’action culturelle décerné ce soir à Jacques Boesch, et dont il est le premier lauréat, lui est attribué pour l’énergie déployée pour la mise en place d’actions justes et en adéquation avec la sensibilité du milieu hospitalier, mais également pour l’audace et l’intelligence avec lesquelles il a su se tenir entre deux temporalités : celle, immédiate, de l’action au quotidien, menée sur le terrain, et celle, plus lente, propre à la réflexion et à la transmission des expériences. L’action culturelle ne se reposant pas sur des formules acquises, mais sur la remise en question continuelle et le

renouvellement des méthodes employées que seuls la prise de recul et le temps de la réflexion permettent.


Szuzsanna Szabo, médiatrice culturelle


Les autres lauréat-e-s du Prix Culture et Société et du Prix spécial 2015 sont :

Littérature: Daniel de Roulet

Daniel de Roulet (1944) est l’auteur d’une trentaine de livres (romans et essais surtout) portés par une exigence éthique et politique qui n’a jamais faibli. Son œuvre s’inscrit dans une époque qu’elle essaie de comprendre par les voies de la création littéraire. Genève est partout présente, à la fois par des lieux symboliques, par un souci écologique constant et par une réflexion sur la politique internationale. Cet écrivain est fidèle à l’«esprit de Genève» qu’il contribue à faire vivre. En 2014, il révèle qu’un certain nombre des romans qu’il écrit depuis vingt-cinq ans forment une fresque intitulée «La Simulation humaine»Elle regroupe 10 romans, 2 familles, 18 figures historiques, 12 lieux et près de 30 personnages. Si «La Simulation humaine» fait écho à «La Comédie humaine», Daniel de Roulet ne se contente pas d’être le secrétaire de la société européenne. Il ne répond pas aux injonctions de l’époque: il transforme l’époque en injonction. C’est la prérogative d’un grand écrivain.


Arts plastiques: Georges Descombes

Architecte diplômé de l'Université de Genève et de l'Architectural Association de Londres, Georges Descombes (1939) travaille «dans le paysage» depuis le parc En Sauvy à Lancy (1980-1986) et partcipe à la Voie Suisse (1987-1991) à laquelle il associe plusieurs artistes. On lui doit aussi le Bijlmer Memorial à Amsterdam, le parc de la Cour du Maroc à Paris et la place Nautique de Lyon Confluence. Le projet de l'Aire (2001-2015) lui a valu une reconnaissance nationale: il a reçu le prix Shultess 2012, qui couronne une réalisation exemplaire dans le domaine du paysage. Ce projet de renaturation est à l'origine d’une réorganisation territoriale de toute la plaine de l’Aire. Georges Descombes aborde le paysage dans sa dimension culturelle et son enseignement à l'Institut d'Architecture de Genève a marqué plusieurs générations. Il a notamment créé un postgrade «Architecture et Paysage» rassemblant différentes disciplines autour de la question du projet. Internationalement reconnu, il fut professeur invité au Berlage Institute, à Versailles, à Rapperswill, à Harvard, et à l’University of Virginia.


Musique: Laurent Aubert

Docteur en anthropologie, Laurent Aubert (1949) dirige les Ateliers d’ethnomusicologie (ADEM), institution consacrée à la diffusion des musiques du monde, qu'il a fondée en 1983. De 1984 à 2011, il fut également conservateur du Département d’ethnomusicologie au Musée d’ethnographie de Genève (MEG). Musicien lui-même et spécialiste des musiques et danses du Kerala (Inde), Laurent Aubert présente le profil rare d'un chercheur de terrain reconnu, également directeur d'institution respecté, programmateur apprécié et, plus généralement, agent du brassage des cultures vivantes. Son action a une double valeur: à la fois dans sa discipline, l'ethnomusicologie, et pour le «vivre ensemble» à Genève, en faisant des ADEM un carrefour des musiques migrantes, de leurs passeurs –les enseignants, originaires de tous les continents–, et de leurs bénéficiaires, y compris les enfants. En cela, Laurent Aubert est le symbole d'une Genève ouverte et multiculturelle.


Arts de la scène: Georges Schwizgebel

A 71 ans, Georges Schwizgebel est reconnu comme l’un des plus grands cinéastes d’animation au monde. Formé à Genève, établi à Carouge depuis de nombreuses années où il a cofondé le studio GDS avec Claude Luyet et Daniel Suter, Georges Schwizgebel est l’auteur d’une vingtaine de films virtuoses et bouleversants, tant par leurs aspects techniques qu’artistiques. La poésie, le rêve et la métamorphose sont autant de thèmes qui caractérisent ses œuvres sans dialogues, composées de somptueuses peintures animées et harmonieusement rythmées de compositions musicales. L’art de Georges Schwizgebel, qui n’a jamais cédé aux sirènes commerciales, est enseigné dans de très nombreuses écoles et a influencé des générations de cinéastes. De Cannes à Ottawa en passant par Annecy, Georges Schwizgebel a été primé lors de nombreux festivals. Il était temps que Genève récompense ce cinéaste discret qui, depuis des décennies, contribue grandement à son rayonnement.


Sciences: Claire-Anne Siegrist

Née à Zurich en 1958, Claire-Anne Siegrist effectue ses études à l’Université de Genève où elle obtient un doctorat en médecine en 1983. Nommée professeure en 1999, elle motive la création de la première Chaire de Vaccinologie en Europe. Elle est actuellement responsable du Centre de vaccinologie des HUG. Chercheuse de pointe, reconnue dans le milieu scientifique pour l’excellence de ses travaux, Claire-Anne Siegrist a notamment mis en évidence l’influence de l’immunité maternelle sur le développement immunitaire des nourrissons. Son engagement à promouvoir la vaccination, partout où elle a prouvé son efficacité, a fait d’elle une figure de référence mondiale en matière de vaccinologie. C’est à elle que l’OMS s’est adressée en novembre 2014 pour être le principal investigateur des essais clinique d’un vaccin contre le virus Ebola. En janvier 2015, elle devient la coordinatrice scientifique du projet de l’Union européenne «Advanced Immunization Technologies», dont le but est de caractériser les signatures immunitaires et moléculaires des réponses générées chez l’humain par VSV-ZEBOV, l’un des vaccins les plus prometteurs pour lutter contre le virus Ebola.


Sciences humaines: Jean-François Billeter

Né à Bâle en 1939, Jean-François Billeter est un sinologue suisse, mondialement réputé, professeur honoraire de la Faculté des lettres à l'Université de Genève. Il a fait des études de lettres à l’Université de Genève, puis de chinois à Paris. Il a ensuite séjourné de 1963 à 1966, à Pékin en République populaire de Chine, avant de terminer sa thèse à l’Université de Genève sur le philosophe Li Zhi. Ses travaux sur la pensée chinoise font autorité chez les sinologues du monde entier, qui lui donnent pour la plupart raison dans sa controverse avec le très médiatique François Jullien. Ses livres, certains traduits en chinois, anglais, espagnol, italien, revêtent une dimension philosophique et occupent une place d'honneur dans la bibliothèque des non spécialistes. Sa réflexion sur l’écriture, sur la traduction et l'interprétation de l'altérité est fondamentale et reconnue comme telle, même en Chine.


Arts appliqués: Esther Brinkmann

Créatrice et professeure, professeure et créatrice: l’alliance de ces deux univers fait d’Esther Brinkmann (1953) une figure incontournable des arts appliqués et du design à Genève. On lui doit la naissance de l’Ecole genevoise du bijou contemporain de renommée internationale. Directrice de la section de création bijou à l’Ecole supérieure d’arts appliqués de 1987 à 2005, elle posa les bases d’un enseignement supérieur en Design bijou unique en Suisse. Les créateurs formés sous sa férule font partie des chefs de file du bijou contemporain, actifs dans le monde entier – designers, enseignants, galeristes. Esther Brinkmann a continué à donner cours et conférences sous d’autres cieux, notamment en Inde et en Chine, tout en intégrant à ses propres créations l’apport des métiers d’art orientaux. Son travail d’une grande force, maîtrisant chaque détail, incarne sa pratique du design bijou qu’elle définit comme «bijou d’auteur».


Prix spécial 2015: Patrick Chappatte

Né en 1967 à Karachi de parents suisse et libanais, Patrick Chappatte a grandi à Singapour, à Genève et a vécu quelques années à New York. Dessinateur de presse pour le quotidien «Le Temps» à Genève et l'hebdomadaire germanophone «Die Weltwoche» à Zurich, il collabore aussi régulièrement au «New York Times». Autour de Jean Plantu, il s’implique dans la création de l’association Cartooning for Peace - Dessins pour la paix, qui rassemble des dessinateurs-trices de tous les horizons. De là, il fonde également une antenne à Genève, qui décerne tous les deux ans un prix international à un dessinateur pour son courage. Depuis une dizaine d’années, Patrick Chappatte organise les opérations Plumes croisées qui consistent à rassembler des dessinateurs-trices de presse de camps rivaux, dans des pays en conflit, autour de projets communs. Montrant ainsi, que le dessin est aussi un outil de dialogue et que, pour mieux défendre la liberté d’expression, il faut écouter l’autre. Son engagement constant pour défendre les dessinateurs-trices de presse en tant que voix critiques, responsables et indépendantes, est ici récompensé.

Prix Culture et Société de la Ville de Genève 2015 : le Conseil administratif attribue le prix Action culturelle à Jacques Bœsch pour ses travaux sur la place de l’art et de la culture à l’hôpital